Le gouvernement fait le choix du « principe de solidarité »
La liberté d’installation des médecins est le serpent de mer qui refait surface dans toutes les discussions politiques qui visent à lutter contre les déserts médicaux. Cette idée a une nouvelle fois été déterrée récemment à l’occasion de l’examen à l’Assemblée nationale d’une nouvelle proposition de loi transpartisane portée par Guillaume Garot (PS, Mayenne) dont le principal objet est de flécher l’installation des médecins dans les zones sous-dotées.
Les débats autour de ce texte – qui devraient reprendre la semaine prochaine – sont tendus, opposant d’un côté ceux qui estiment que la régulation de l’installation a été mise en place pour de nombreuses professions de santé et qu’elle doit impérativement l’être aussi pour les médecins, notamment au profit des territoires sous-dotés ; et de l’autre ceux qui pensent que toucher à la liberté d’installation des médecins entraînerait un risque de « perte d’attractivité de l’exercice médical » . Le gouvernement se range du côté de ces derniers, estimant qu’il ne faut pas toucher à la liberté d’installation des médecins.
Alors, dans ce pacte de lutte contre les déserts médicaux – et force est de constater que la situation de certains départements est plus que critique – le gouvernement propose une sorte de « compromis » : « un principe de solidarité ». François Bayrou a en effet annoncé vouloir imposer aux médecins jusqu’à deux jours par mois de temps de consultation dans les zones prioritaires du territoire.
Concrètement, cette « solidarité comportera plusieurs volets » , peut-on lire dans le dossier de presse du gouvernement. D’abord, une solidarité obligatoire se mettra en place pour aider les territoires les plus prioritaires identifiés par les ARS, en lien avec les préfets et les élus. Un premier travail d’identification des zones rouges sera fait dès le mois de mai. La mise en œuvre de la mission de solidarité territoriale collective est attendue dès cette année. Ainsi, « les médecins des territoires voisins, devront s’organiser et se relayer pour assurer une continuité d’exercice en médecine de premier recours dans ces zones, avec des plannings définis à l’avance sur le modèle de la permanence de soins. Ils devront consacrer jusqu’à 2 jours par mois pour ces zones prioritaires. » Ensuite, progressivement, cette mission de solidarité sera étendue à l’ensemble des zones sous-denses et non plus uniquement à ces zones rouges.
Cette idée de solidarité collective existe déjà. Créé en 2022, le collectif Médecins solidaires organise un relais hebdomadaire de médecins généralistes dans ses huit centres médicaux situés en zone sous-dotée. Chaque semaine, un médecin différent vient prendre le relais du précédent. Plus de 700 médecins généralistes ont rejoint ce collectif.
Aussi, étant entendu que la suppression du numerus clausus ne portera ses fruits que dans quelques années, le gouvernement propose dans son pacte un axe dédié aux jeunes étudiants dans le domaine de la santé. Le Premier ministre a annoncé vouloir ouvrir une première année d’accès aux études de santé dans chaque département alors qu’aujourd’hui 24 départements n’ont pas d’accès aux études de santé. Le gouvernement souhaite aussi mettre en œuvre la 4ème année d’internat de médecine générale dès le 2 novembre 2026 avec une valorisation très forte pour la réalisation des stages en zone très sous-dense et rendre obligatoire des stages en dehors des grandes villes et des CHU dès la rentrée 2026.
Les élus locaux mobilisés pour attirer et fidéliser les soignants
Pour le chef du gouvernement, « renforcer la présence des soignants dans tous les territoires ne se décrète pas ». C’est pourquoi ce pacte doit passer par « un contrat de confiance » avec les élus locaux pour « donner envie de s’installer, sécuriser les cadres d’exercice et simplifier les démarches au quotidien pour le professionnel et ses proches. » Il est précisé dans le dossier de presse que « tous les leviers interministériels seront mobilisés, en appui des élus locaux, pour créer les conditions pour que les professionnels de santé aient envie de s’engager dans la durée là où l’on a le plus besoin d’eux ».
Le gouvernement entend s’appuyer sur « la synergie ARS-préfet-élus » pour « accueillir les étudiants et les médecins dans les meilleures conditions pour faciliter leur installation et leur mobilisation territoriale » en développant par exemple des internats ruraux pour les étudiants ou encore en simplifiant les formalités d’installation pour les professionnels de santé qui démarrent leur activité. Le gouvernement veut également attirer l’attention des élus sur l’importance de « sécuriser les cadres d’exercice des professionnels » en déployant notamment des dispositifs d’alerte en cas de danger. La Guyane par exemple est actuellement en train de tester un dispositif d’alerte inédit de bouton connecté qui permet d’avertir directement la police en cas d’agression.
Rappelons également qu’une proposition de loi visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé va être examinée la semaine prochaine au Sénat et le gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte qui permettrait « l’aggravation des peines encourues pour des faits de vol et de violences, l’extension du délit d’outrage aux professionnels de santé et le droit pour l’employeur ou une autre forme d’organisation de porter plainte pour violences en lieu et place du professionnel concerné ».
Enfin, dans ce nouveau plan, le gouvernement entend « réduire le temps consacré par les médecins aux formalités administratives et mobiliser l’ensemble des compétences des professionnels de santé » pour favoriser l’accès aux soins dans l’ensemble des territoires. Pour ce faire, 15 000 assistants médicaux devront être déployés d’ici 2028 et certaines professions paramédicales pourront pratiquer de nouveaux actes. Il a d’ailleurs été annoncé que l’arrêté permettant la réalisation de primo-prescriptions des infirmiers en pratique avancée allait être bientôt publié. Ces mesures d’unification et de modernisation du système représentent un potentiel de « 50 millions de consultations supplémentaires par an pour les zones sous-dotées ».
SOURCE : MAIREinfo – Édition du lundi 28 avril 2025