Sûreté vs sécurité
Ce texte, texte élaboré en étroite concertation avec l’AMF et que Maire info a pu consulter, se donne l’ambitieux objectif de permettre « une réforme d’ensemble des polices municipales et des gardes champêtres », notamment en faisant évoluer leurs prérogatives.
Sachant les associations d’élus très attachées à ce que les policiers municipaux restent sous l’autorité des maires, et à ce que leurs missions ne se confondent pas avec celles des forces de l’ordre nationales, les auteurs du projet de loi ont tenu à réaffirmer cet état de fait dès l’article 1er du texte : les agents de la police municipales (PM) et les gardes champêtres travaillent « sous l’autorité du maire » et « en association avec les forces de sécurité de l’État », et concourent « au bon ordre, à la sûreté, à la tranquillité et à la salubrité publiques ». Pas de révolution donc, puisque l’on reste dans des domaines qui relèvent du pouvoir de police des maires, dont la « sécurité » ne fait pas partie. Le nouveau texte précise toutefois que les PM « concourent aux actions de prévention de la délinquance, en coordination avec les forces de sécurité de l’État ».
Compétences judiciaires
Mais l’essentiel vient après : l’objet réel de ce projet de loi est bien de rendre possible une extension des prérogatives des PM en leur donnant « une compétence judiciaire élargie ». Ce point a été tout l’enjeu des discussions du Beauvau des polices municipales. L’AMF, au cours des discussions, n’a pas rejeté l’idée d’une telle extension des prérogatives des PM, mais à une condition expresse : que le choix soit laissé aux maires de le décider ou de le refuser.
Le gouvernement a respecté cette demande : l’article 2 du texte prévoit que le maire « puisse décider » que certaines compétences de police judiciaire soient confiées à ses policiers municipaux. Il s’agit notamment de permettre aux policiers municipaux et aux gardes champêtres « de constater certains délits limitativement énumérés », précise l’exposé des motifs, afin de pouvoir « mettre en œuvre la procédure d’amende forfaitaire ». Cette évolution aura une conséquence directe : ces tâches se feront « sous le contrôle direct et effectif du procureur de la République » et non sous celui du maire.
Le texte liste de façon précise les délits que pourraient constater les policiers municipaux. Parmi eux : la vente à la sauvette, le vol, l’entrave à la circulation, la conduite sans permis, l’occupation de hall d’immeuble, l’outrage sexiste ou sexuel ou encore l’usage de stupéfiants. Ils pourraient procéder à des contrôles d’alcoolémie, saisir des denrées ou des véhicules, accéder dans certaines conditions aux images de vidéoprotection.
Autre innovation de taille : le texte prévoit que les PM et les gardes champêtres, une fois dotés de ces prérogatives, puissent procéder à des relevés d’identité après constatation de délits, afin de pouvoir dresser un procès-verbal. Ils pourraient également prescrire la mise en fourrière d’un véhicule et la restitution des animaux errants trouvés et identifiés.
Drones
Le titre 3 du projet de loi vise à doter les polices municipales de « nouveaux moyens », au premier rang desquels une expérimentation de l’utilisation de drones par les PM. Pour mémoire, une première tentative en ce sens avait été faite en 2021 par le législateur, mais le Conseil constitutionnel l’avait censurée. Le gouvernement a tenu compte des observations des Sages et propose de limiter l’utilisation des « caméras aéroportées » à certains usages précis : la sécurité des manifestations sportives récréatives et culturelles, la régulation des flux de transport, le secours aux personnes, la prévention des risques naturels et des atteintes à l’environnement, ,et enfin la protection des bâtiments communaux et intercommunaux « lorsqu’ils sont particulièrement exposés à des risques d’intrusion ou de dégradation ». Il serait strictement interdit de filmer l’intérieur des domiciles et leurs entrées. Le projet de loi liste de manière précise les autorisations et les conventions qu’il conviendrait de signer avant de mettre en œuvre une telle procédure.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit de pérenniser l’usage des caméras piétons pour les gardes champêtres (actuellement au stade de l’expérimentation), et « d’aligner » les conditions d’armement de ceux-ci sur celles des policiers municipaux.
Formation et mutualisation
Le titre IV du projet de loi est consacré à la formation des PM et des gardes champêtres, afin de « parfaire le dispositif actuel ». On constate que, conformément aux demandes tant des associations d’élus que du CNFPT, ce dernier restera bien responsable de la formation des policiers municipaux : l’idée, très décriée, d’une école nationale de formation distincte du CNFPT, a été abandonnée.
Le titre V concerne la mutualisation des PM et des gardes champêtres entre communes et intercommunalités, et prévoit « expressément » la possibilité de mutualiser ceux-ci « au sein d’un même EPCI ». Il est également prévu d’élargir le recours aux « assistants temporaires de la police municipale » dans le cadre de grands événements ou grands rassemblements, et « d’harmoniser les régimes de mise en commun temporaire » des effectifs de police municipale pour faire face à des événements ponctuels – manifestations, afflux de population, catastrophes naturelles.
Enfin, le dernier titre du projet de loi a trait à la déontologie de ces agents – il étend notamment aux gardes champêtres le principe d’un « code de déontologie établi réglementairement », comme c’est déjà le cas pour les policiers municipaux.
Ce projet de loi va-t-il survivre au changement de gouvernement, et être repris à son compte par le nouvel exécutif, ou sera-t-il victime des tractations entre le Premier ministre et les forces d’opposition ? Cette dernière option n’est pas la plus probable, parce que la plupart des dispositions de ce texte sont relativement consensuelles, d’autant plus que, répétons-le, toutes les options proposées sont à la main du maire… tout comme le principe même de la création d’une police municipale et de son armement.
Il reste à espérer, si ce texte est finalement déposé par le gouvernement devant le Parlement, qu’il puisse être débattu largement en amont des élections municipales, ce qui est une autre affaire.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du jeudi 11 septembre 2025