Est-ce que c’était vraiment mieux avant ? Dans un contexte marqué par les guerres, la crise économique, l’instabilité politique, le réchauffement climatique, le pessimisme prend parfois le dessus, alimenté par un sentiment très fort de nostalgie d’un temps passé idéalisé. Pas moins de trois Français sur quatre estiment que « c’était mieux avant », selon une nouvelle étude menée par le haut-commissariat à la Stratégie et au Plan. Si cette idée est forte chez les personnes âgées, deux jeunes de moins de 35 ans sur trois la partagent.
Mais derrière ces impressions qui ne relèvent que d’expériences personnelles et de sentiments, quelle est la réalité ? « Dans la France de 2025, un jeune de 30 ans vit-il moins bien qu’un jeune de 30 ans en 1975 ? » Pour objectiver la situation des jeunes (moins de 30 ans), la note du haut-commissariat à la Stratégie et au Plan propose « une compilation de données couvrant les grands domaines du niveau et de la qualité de vie : diplômes, emploi, revenus et prélèvements, patrimoine et logement, conditions de travail, famille et temps libre ».
L’âge d’or du diplôme et ses inconvénients
« Depuis 1975, le niveau de diplôme de la jeunesse française a connu une progression spectaculaire, témoignant d’un processus massif d’allongement des études et d’élévation du niveau d’éducation » , indiquent les auteurs. Selon les données, aujourd’hui, plus d’un jeune sur deux est diplômé du supérieur alors qu’ils étaient 21 % parmi la génération de 1975 à avoir suivi des études supérieures.
Les effets de cette « massification scolaire » sont variés. La jeunesse des années 2000 « est incontestablement davantage formée que celle de 1975 » ce qui fait que « les diplômes sont devenus un passage quasi obligé pour l’insertion professionnelle, et où les inégalités [sociales] d’accès à ces diplômes restent encore marquées ».
Mais ce niveau d’études plus exigeant n’est pas synonyme d’une insertion professionnelle plus aisée. Elle est de facto « devenue plus difficile et la précarité de l’emploi (CDD, intérim, etc.) s’est développée, surtout en début de carrière. » Par exemple, en 2023, 43 % des jeunes de moins de 25 ans occupent un emploi stable (CDI ou poste de fonctionnaire) alors qu’ils étaient 75 % en 1982.
Les auteurs de la note ont également analysé plusieurs données qui montrent concrètement que le rendement du diplôme « s’est érodé à mesure qu’il devenait moins rare ». En effet, « l’évolution de la structure des emplois n’a pas suivi celle des qualifications » . Résultat : un jeune sur six estime aujourd’hui être surqualifié pour son poste, selon l’Insee.
Des salaires plus haut mais une crise du logement sans précédent
Les données montrent que « les jeunes de 2025 ont en moyenne des revenus supérieurs à ceux de 1975, même en tenant compte de l’inflation » . Cependant, « la hausse des salaires entre les deux dates, très inférieure à celle du PIB par habitant, est aussi inférieure à celle qu’ont connue les salariés plus âgés. La position relative des jeunes, dans l’échelle des salaires, s’est donc dégradée. »
Un autre domaine dans lequel la situation s’est fortement dégradée est celui de l’emploi : en 1975, même si la tendance était en train de s’inverser, on était encore dans une période de presque plein-emploi, avec un taux de chômage général inférieur à 3 % et un taux de chômage des jeunes autour de 6 %. Il est aujourd’hui de 17 % (soit presque un jeune sur 5 au chômage), après un pic qui a même atteint 23 % en 2014.
L’accès au logement et à la propriété est devenu beaucoup plus difficile pour les jeunes d’aujourd’hui. Si l’on prend la location, il apparaît que le poids du loyer dans les revenus des locataires a plus que doublé entre 1975 et 2015. De même, pour acheter un logement, « avec le même taux d’effort initial et le même apport personnel, il faudrait compter 23 ans de remboursement en 2025 contre une dizaine d’années seulement en 1975 ».
Le Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan observe au passage que le patrimoine est aujourd’hui bien davantage concentré dans les mains des plus âgés qu’il ne l’était avant. Par exemple, « en 1986, le patrimoine individuel net médian des ménages de 30-39 ans représentait un peu moins de la moitié (48 %) de celui des ménages de 50-59 ans. À l’inverse, le patrimoine individuel net médian des plus de 70 ans valait seulement 36 % de celui des 50-59 ans en 1986, il en vaut aujourd’hui 118 %. »
50 ans d’évolutions en faveur des femmes
Comme l’indiquent les auteurs de la note, les conditions de vie des jeunes ont progressé avec notamment une réduction du temps de travail (abaissement du temps complet de 40 heures à 35 heures), une augmentation du temps libre pour pratiquer des loisirs, un accès simplifié à de nouveaux biens et services, à de nouveaux droits, etc.
Surtout, entre 1975 et 2025, la condition des femmes a largement évolué. L’entrée dans la parentalité a par exemple évolué. En 1975, l’âge moyen au premier enfant était d’environ 24 ans pour les femmes. En 2023, il dépasse 29 ans. Ce glissement bénéficie directement aux femmes lorsque l’on sait que la parentalité a un impact direct sur leurs carrières.
Les trajectoires de vie se sont diversifiées : les familles monoparentales sont plus fréquentes, le départ du foyer parental est plus tardif, les divorces sont plus fréquents… Si beaucoup interprètent ces changements négativement, il faut rappeler que, « depuis 1975, les droits des femmes se sont largement renforcés » transformant ainsi la société tout entière. « Une femme de 30 ans en 1975 n’avait, par exemple, pas accès à la contraception dans le début de sa vingtaine (la loi autorisant la contraception date de 1967) et venait tout juste de se voir reconnaître le droit à l’avortement (loi Veil du 17 janvier 1975) » , rappellent les auteurs. De même, en 1975, « une femme de 30 ans n’avait que depuis dix ans l’autorisation d’ouvrir un compte bancaire en son nom et de travailler sans le consentement de son mari (loi du 13 juillet 1965) » . La comparaison entre une jeune femme des années 1975 et une des années 2025 met en lumière de telles différences et de telles transformations sociales qu’il est, sur ce sujet, bien compliqué d’affirmer sans sourciller que « c’était mieux avant » …
SOURCE : MAIREinfo – Édition du jeudi 30 octobre 2025





