Le 7 mars 2024, le Sénat a adopté en première lecture la proposition de loi de Françoise Gatel sur le « statut de l’élu », avec un objectif : éviter une crise des vocations chez les maires et les autres élus locaux. En effet, depuis le début du mandat, chaque mois en moyenne plus de 40 maires démissionnent, un nombre multiplié par quatre en l’espace de trois mandats. Triste record.
Ce texte n’a jamais prétendu régler tous les problèmes. Le premier motif de démission des maires résulte en effet de l’incapacité à agir, dont les causes sont à chercher du côté de l’accroissement ininterrompu des normes au détriment de la liberté, et d’un Etat surendetté, qui ne cesse de ponctionner les budgets locaux. Que ce soit dans les crises, dans la fourniture des services publics du quotidien, ou encore dans la gestion de leurs finances, les collectivités ont pourtant fait la preuve de leur efficacité.
Le texte en question, travaillé avec les élus locaux eux-mêmes, notamment au sein de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, apportait simplement une amélioration des conditions d’exercice des mandats locaux. Il permettait par exemple une meilleure conciliation avec l’activité professionnelle, car rappelons le, 80% des élus locaux sont bénévoles. Il assurait une meilleure prise en charge des congés maternité pour les aligner sur le droit commun, comme des arrêts maladie. Il facilitait l’exercice d’un mandat local pour les étudiants.
Enfin, et surtout, il sécurisait l’action des maires, qui sont de plus en plus exposés à des recours pour « prise illégale d’intérêts », y compris entre deux intérêts publics. Cette notion fourre-tout, dont le périmètre n’est pas clairement établi, conduit à sanctionner des élus qui n’ont eu aucune intention de mêler les intérêts.
A chaque nouveau gouvernement depuis mars 2024, les élus locaux ont renouvelé leur soutien unanime à l’adoption d’un texte améliorant les conditions d’exercice du mandat, soulignant la nécessité d’une adoption au plus vite, avant les élections municipales. Le 10 juillet 2025, malgré le contexte politique que nous connaissons avec une Assemblée sans majorité, celle-ci a adopté à son tour un texte comportant les ajustements soutenus par les associations d’élus. Puis, le Premier ministre Sébastien Lecornu, avant même d’avoir nommé un gouvernement, a écrit à tous les maires pour indiquer que ce texte serait examiné dans les délais.
Mais voici que, contre toute attente, le Sénat est revenu sur les avancées que ce « statut de l’élu » tant attendu portait avec le soutien des élus locaux. En commission le 15 octobre dernier, les sénateurs sont en effet revenus sur les mesures essentielles permettant de limiter l’insécurité juridique des maires. Ils ont rétabli le principe de la prise illégale d’intérêts entre deux intérêts publics, ce qui va continuer de mettre en difficulté les élus dans l’exercice de leur mandat.
Pire, ils ont ajouté une nouvelle procédure – nous n’en manquons pourtant pas – un serment que seuls les élus communaux et intercommunaux doivent prêter, dont la lecture suffit à jeter le discrédit sur tous ceux qui s’engagent localement. Les maires devront en effet s’engager publiquement « à respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité et de dignité de la personne humaine ainsi que les lois et les symboles de la République ». Comme s’ils ne le faisaient pas déjà ! Notez que les responsables nationaux, parlementaires, ministres et Président de la République, en sont exemptés. Outre son caractère accusatoire, cette mesure, en générant de nouveaux contentieux, contribuera à accroître l’insécurité juridique que le texte de l’Assemblée entendait combattre.
Alors Mesdames et Messieurs les Sénateurs, à l’heure où l’engagement local est plus que jamais nécessaire, et après tant de travail pour faire aboutir un texte qui sera une avancée pour tous ceux qui s’engagent localement, nous, maires, disons : Ne revenez pas en arrière ! La démocratie locale a besoin de votre soutien.





