« Il est rappelé aux parents l’importance d’adapter l’habillement des plus jeunes élèves et de prévoir casquettes et lunettes de soleil. » Voilà, entre autres, le type de conseils que l’on trouve ce matin sur le site du ministère de l’Éducation nationale, à la page « Vague de chaleur ». Que ce soit chez les maires, les syndicats enseignants ou les associations de parents d’élève, beaucoup s’indignent depuis hier du fait que la réponse du ministère n’est pas à la hauteur de la situation, loin de là.
16 départements en vigilance rouge
Hier, Météo France a décidé de faire basculer 16 départements en vigilance rouge, dans une zone allant de la région parisienne à la Vienne en passant par l’Yonne jusqu’à l’Aube. Seuls cinq départements, sur la façade Manche-mer du Nord, restent en vert ce matin.
La vigilance rouge, explique Météo France sur son site, implique que « chacun est menacé, même les sujets en bonne santé ». Parmi les conseils dispensés : boire abondamment même si l’on ne ressent pas la sensation de soif, limiter les activités physiques et sportives et « essayer de se rendre dans un endroit frais ou climatisé deux à trois heures par jour ». Une attention particulière doit être apportée aux personnes âgées et handicapées, aux femmes enceintes et aux enfants en bas âge.
Dans plusieurs départements en alerte rouge, les préfets ont pris les devants en publiant sur leur site un certain nombre de conseils, numéros utiles, voire des mesures plus drastiques. Ainsi dans les Yvelines, le préfet, après avoir réuni hier soir « l’ensemble des maires du département », a annoncé que les parents étaient autorisés à « garder leurs enfants à domicile lorsque cela est possible ». « Les cours pourront être suspendus », écrit la préfecture, « mais les écoles resteront ouvertes et une continué de l’accueil sera assurée ». Quant aux communes, elles sont « invitées à faciliter l’approvisionnement en eau potable (fontaines, brumisateurs, accès aux équipements publics climatisés) pour tous les habitants ». Idem en Seine-et-Marne, où le préfet annonce que « plus d’une centaine de communes » a pris des arrêtés de fermeture d’établissements scolaires, sans donner de consigne dans la mesure où il s’agit « d’une prérogative municipale ».
La préfecture de l’Yonne ne partage pas complètement cet avis puisqu’il a décidé, pour sa part, d’annoncer « la fermeture des écoles élémentaires (maternelles et primaires) du département jusqu’à jeudi soir ».
La préfecture de la Vienne a, elle, décidé de restreindre les usages de l’eau et d’interdire les usages « non prioritaires », et demandé aux agriculteurs, « dans la mesure du possible », de ne pas irriguer entre 11 h et 18 h.
Système D
Beaucoup regrettent néanmoins un manque de consignes claires, sur la question des écoles notamment, venues du ministère de l’Éducation nationale. De nombreux témoignages montrent que les directeurs d’école et enseignants en sont réduits à faire appel au « système D » pour essayer de rendre la température supportable dans les établissements, notamment en demandant aux parents qui le pouvaient de prêter un ventilateur pour rafraichir les classes.
Mais face à une situation qui peut s’avérer dangereuse pour les enfants et les personnes, de plus en plus de maires ont pris la décision de fermer les établissements : les écoles fermées étaient 450 hier, selon les chiffres du ministère de l’Éducation nationale, et plus de 1 350 aujourd’hui – chiffre qui risque d’augmenter dans la journée : hier le Syndicat des directrices et directeurs d’école (S2DÉ) twittait que « le nombre de maires qui publient des arrêtés de fermeture d’école augmente de minute en minute ». Il relevait un taux d’absentéisme, dès hier « de 30 à 50 % en moyenne dans les zones où la journée débute à 30 °C dès 9 heures du matin ».
Nombreux sont ceux qui critiquent l’absence de réaction sérieuse du ministère de l’Éducation nationale, à commencer par le S2DÉ qui a publié une « lettre ouverte » à la ministre, Élisabeth Borne, demandant « la fermeture de toutes les écoles ». « Vous avez attendu dimanche soir à 22 heures pour proposer des mesurettes. (…) Nous aimerions vous rappeler que dans chaque école il y a des personnels, des enseignants, des AESH, des agents municipaux. (…) Ils sont à bout. »
Il a été assez mal vécu par de nombreux maires d’entendre la ministre critiquer à la télévision, dimanche soir, le maire de Tours, Emmanuel Denis, qui a pris la décision de fermer les écoles de la ville au moins jusqu’à ce soir. La ministre a critiqué une décision « unilatérale », s’est « étonnée » de celle-ci, allant jusqu’à suggérer qu’il s’agissait d’une manœuvre politique du maire, pour alerter « sur le changement climatique ». Assez agacé par ces commentaires, Emmanuel Denis a invité le gouvernement à venir tenir son conseil des ministres de mercredi dans une salle de classe de la commune.
« Absence de directives précises »
Le choix de fermer ou non les écoles est extrêmement difficile et l’on ne peut en effet que s’étonner que, à l’exception du département de l’Yonne, les maires soient laissés seuls devant cette décision – ce qui est d’autant plus problématique que les bâtiments scolaires sont mis à disposition de l’Éducation nationale sur le temps scolaire. Dans certaines communes, où les maires expliquent que les températures vont atteindre 41 °C dans les classes, ils ont privilégié la santé des enfants et des personnels, tout en ayant clairement conscience qu’une école fermée est un casse-tête pour les parents. C’est le cas par exemple des villes de Carpentras, Cavaillon, Melun – dont le maire Kadir Mebarek rappelle ce matin dans la presse qu’il a « la responsabilité de la santé des élèves ».
Mais, comme le soulignait hier l’Association des petites villes de France (APVF) dans un communiqué, une fois de plus « les maires sont laissés seuls sur l’estrade ». « Face à la vague de chaleur, les maires sont une nouvelle fois en première ligne. Entre les attentes légitimes des familles, la protection des personnels, les conditions d’accueil dégradées dans des écoles souvent mal isolées, et l’absence de cadre d’action clair ou de soutien structuré de l’État, les maires doivent assumer seuls des décisions complexes, comme la fermeture partielle ou totale des établissements. L’absence de directives précises ou de coordination assumée par l’État, notamment à travers les préfets et les recteurs, crée un sentiment d’abandon et d’impréparation face à un phénomène pourtant désormais connu : les pics de chaleur à répétition. »
Au-delà de la question des directives, de nombreux maires constatent que la multiplication des vagues de chaleur – de plus en plus fréquentes, intenses et précoces – met en lumière la problématique de la rénovation thermique du bâti scolaire. D’innombrables écoles ont été construites dans les années 1930, quand ce n’est pas au siècle précédent, et ne sont absolument pas calibrées pour faire face aux températures extrêmes qui touchent le pays de plus en plus souvent. Dans ce contexte, la diminution drastique du Fonds vert apparaît comme parfaitement contre-productive, pour ne pas dire incohérente. Sans parler des innombrables injonctions faites aux collectivités par le gouvernement pour que celles-ci limitent leurs dépenses – y compris sur l’investissement.
Le Fonds vert a permis, depuis trois ans, de financer de nombreux projets de rénovation thermique et de « débitumisation » des cours de récréation. Le fait que le gouvernement ait brutalement fermé le robinet de ce fonds apparaît comme un signal peu encourageant… et bien des maires ne pourront tout simplement pas faire les travaux. Comme le disait sèchement, dans Le Monde d’hier, Jean-François Vigier, maire de Bures-sur-Yvette et vice-président de l’AMF : « J’en ai pour 2,5 millions d’euros pour rénover deux écoles maternelles et je vais obtenir 150 000 euros du Fonds vert. Alors on fait comment ? ».
SOURCE : Édition du mardi 1er juillet 2025