La Cour des comptes persiste et signe. Comme l’an passé et au printemps dernier, l’institution de la rue Cambon confirme vouloir limiter les recettes des collectivités « dans la durée », via une réduction des transferts financiers octroyés par l’État.
Alors que le projet de budget pour 2026 de Sébastien Lecornu se fait encore attendre, la Cour reste donc constante dans le second volet de son rapport, publié hier, sur les finances locales pour l’année 2025.
En 2026 et les années « suivantes »
Compte tenu de la situation très dégradée des finances publiques dans leur ensemble, « il est indispensable de reconduire une contribution des collectivités à leur redressement au cours des années 2026 et suivantes », affirment ainsi les magistrats financiers qui invitent à « organiser sur plusieurs années » celle-ci de manière « prévisible, soutenable et équitable ».
Et bien qu’une « part importante » de la dégradation du déficit de l’État soit « imputable à des réformes des impôts locaux généralement non souhaitées par les collectivités » (suppression de la taxe d’habitation et de la CVAE des entreprises ainsi que réduction des bases des locaux industriels assujettis aux impôts fonciers locaux), la Cour assure que cette contribution des collectivités au redressement des finances publiques est « justifiée ».
Elle l’explique ainsi par « leur place dans le total des dépenses publiques (près de 17,7 % en 2024) », par « la part désormais prépondérante des transferts financiers de l’État dans leurs recettes (53,6 % au total en 2024) », mais aussi par « les possibilités de maîtrise accrue de leurs dépenses ». Et ce dans trois domaines : « Le personnel, les achats de biens et de services et la mutualisation des services et des équipements au sein du bloc communal ».
Un argument contesté à la fois par l’AMF, Intercommunalités de France et Régions de France dans leurs réponses à la Cour. « Les collectivités locales ne peuvent être la variable d’ajustement des erreurs de stratégie de l’exécutif », dénonce ainsi l’AMF qui rappelle que « si les transferts financiers atteignent aujourd’hui plus de 50 % des recettes des collectivités, c’est en raison des multiples suppressions de ressources fiscales locales ou de charges transférées ».
Une contribution différenciée selon les catégories
Pour ne pas reconduire les contrats de Cahors de 2018 pour lesquels les collectivités sont vent debout, la Cour propose de continuer de « moduler l’évolution globale des transferts financiers de l’État aux collectivités » comme c’était le cas en 2025 avec le gel du montant de la TVA, la forte réduction du montant des « variables d’ajustement » et la diminution des crédits budgétaires. Mais, au lieu que ce soit moins d’un tiers de ses transferts financiers qui soit concerné, comme c’est le cas aujourd’hui, elle préconise de l’étendre à « la totalité » des transferts.
Afin de « mieux proportionner l’effort demandé à chaque catégorie à sa situation financière et à sa capacité à y contribuer », l’évolution des transferts devrait même être « différenciée par catégorie de collectivités (« bloc communal », départements et régions) », estime la Cour.
À cet égard, « la rigidité des dépenses sociales des départements inviterait à fixer, pour ces derniers, une norme d’évolution des transferts de l’État plus favorable que celles du bloc communal ou des régions », expliquent les magistrats financiers qui proposent également de répartir l’effort « en fonction de critères objectifs de ressources et de charges » afin de déterminer « la richesse des collectivités prises individuellement ». Et ne pas accabler les plus défavorisées.
Pour renforcer cette « équité », la Cour plaide pour un accroissement de la solidarité entre collectivités via la « péréquation financière », en rendant celle-ci « plus redistributive ». En outre, elle recommande de répartir certaines ressources – telles que les recettes de TVA et une part de la DGF – sur la base « des données contemporaines » et non plus « en fonction de données historiques » sans lien avec leurs besoins actuels.
Un effort jugé « significatif » en 2025
Reste que la Cour qualifie de « significative » la contribution des collectivités au redressement des finances publiques en 2025. Loin des 2,2 milliards d’euros avancés par l’Etat, celle-ci l’évalue à « 5,4 milliards d’euros » en intégrant notamment dans ce calcul la hausse du taux de cotisation des employeurs territoriaux à la CNRACL, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (1,4 milliard d’euros).
En plus du gel de la TVA (1,2 milliard d’euros), des baisses de crédits budgétaires (1,3 milliard) ou encore de « l’épargne forcée » imposée à plus de 2 000 collectivités (1 milliard d’euros) – appelée Dilico, pour « dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités ».
Si cette reconnaissance est saluée par plusieurs associations d’élus, dont l’AMF, cette dernière l’estime encore sous-évaluée puisqu’elle dépasserait en fait les « 7,3 milliards d’euros », selon elle. Dénonçant la « culture de la dissimulation » de l’État, le président du Comité des finances locales (CFL), André Laignel, l’a même récemment réévaluée à 8,4 milliards d’euros.
Celui-ci avait d’ailleurs calculé que la ponction sur les collectivités voulue par l’ancien Premier ministre, François Bayrou, en 2026 se rapprocherait davantage des « 10 milliards d’euros » que des 5,3 milliards d’euros annoncés par le maire de Pau.
Le Dilico critiqué
Et si ce dernier souhaitait d’ailleurs doubler le Dilico – à hauteur de 2 milliards d’euros –, on ne peut pas dire que la Cour voie ce dispositif d’un très bon œil. Loin de là. Pour elle, « il ne vise pas à lisser les à-coups de la conjoncture économique sur les recettes des collectivités, mais à ponctionner ces dernières en fonction de la conjoncture des finances publiques ».
À ses yeux, il ne « tient pas compte des capacités contributives des différentes catégories de collectivités », « il pèse davantage sur les régions que sur les communes malgré la meilleure situation financière de ces dernières », « ses effets péréquateurs sont insuffisants » et « son dénouement est incertain ». En l’état, il pourrait « déboucher sur une ponction nette des recettes des collectivités s’il n’était pas reconduit ou sur une absence d’effet sur ces mêmes recettes s’il était reconduit pendant plusieurs années pour le même montant qu’en 2025 (les prélèvements devenant, après trois ans, équivalents aux restitutions) ».
Sans parler du fait que le prélèvement sur les recettes des départements et des régions est aujourd’hui « privé d’une base juridique incontestable ».
Pour ce qui est de la hausse du taux de cotisation à la CNRACL jusqu’en 2028, la Cour assure qu’elle « ne résoudra pas le déséquilibre financier du régime de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers géré par cet organisme ».
Par ailleurs, et contrairement à ce qui était attendu, le solde négatif des collectivités pourrait « se stabiliser, voire s’améliorer en 2025 », selon les magistrats financiers, qui évoquent des « recettes dynamiques » liées notamment aux impôts fonciers et une « nette décélération des dépenses ».
Pas vraiment l’analyse de l’AMF qui prévoit, dans sa réponse, que « les dernières ponctions budgétaires ainsi que certaines dépenses imposées pour 2025 accéléreront la dégradation des comptes locaux, en plaçant l’ensemble des collectivités locales dans une situation précaire dès cette année, avec un risque de récession pour le pays ».
SOURCE : MAIREinfo – Édition du mercredi 1er octobre 2025




