Malgré les mesures rigoureuses d’abattage de troupeaux entiers prises ces derniers mois, la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) continue de progresser sur le territoire, obligeant le ministère de l’Agriculture à prendre des mesures exceptionnelles. Vendredi, après une réunion avec le Comité national d’orientation de la politique sanitaire animale, la ministre Annie Genevard a annoncé l’interdiction « de tout rassemblement festif (concours, foires, salons) de bovins sur tout le territoire métropolitain », l’interdiction des marchés de bovins dans trois régions (Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-France-Comté et Occitanie), et enfin l’interdiction de « toute sortie de bovins » du territoire métropolitain.
Un arrêté, publié au Journal officiel de samedi, a officialisé ces mesures, qui seront en vigueur au moins jusqu’au 4 novembre.
« Éradication immédiate »
Absente d’Europe depuis sept ans, la DNC a fait son retour, d’abord en Italie, puis en France au début de l’été dernier : le 29 juin, un foyer a été repéré en Savoie. Malgré des mesures rapides d’abattage des troupeaux concernés, l’épidémie a gagné la Haute-Savoie, puis l’Ain, puis le Rhône et le Jura, et a récemment « sauté » dans les Pyrénées-Orientales. Selon le dernier point de situation établi par le ministère de l’Agriculture, la maladie est aujourd’hui présente dans « 86 foyers » répartis sur ces cinq départements.
Cette maladie, particulièrement contagieuse, se transmet par les insectes (mouches charbonneuses et taons). Elle présente un taux de mortalité élevé (10 %) et les animaux qui y survivent peuvent avoir de lourdes séquelles (stérilité, chute de la lactation, amaigrissement). D’où la décision, prise par voie réglementaire, d’abattre tout le troupeau dès qu’un animal est contaminé – seul moyen, d’après les autorités sanitaires, de tenter d’éradiquer la maladie. Le « dépeuplement » d’un troupeau entier – c’est ainsi que l’on appelle l’abattage en termes officiels – est la seule manière de stopper la dissémination, même si c’est une mesure particulièrement douloureuse pour les éleveurs et coûteuse pour les finances publiques, puisque les éleveurs sont indemnisés. Il est impossible de n’abattre que les bêtes contaminées, car il est établi que certains animaux sont porteurs de la maladie mais asymptomatiques, donc impossibles à détecter.
Des agriculteurs s’interrogent pourtant sur le fait que pour d’autres maladies tout aussi graves, comme la fièvre catarrhale ovine ou la maladie hémorragique épizootique, il n’y a pas de préconisation d’abattage systématique du troupeau. Explication du ministère : ces deux maladies sont déjà largement installées sur le territoire, contrairement à la DNC qu’il paraît encore possible d’éradiquer avec des mesures radicales : la maladie est classée par les autorités sanitaires en « catégorie A », c’est-à-dire en « éradication immédiate ».
Il faut noter qu’il existe un vaccin très efficace contre cette maladie, mais que le choix qui est fait par l’État, à cette heure, est de ne l’utiliser que dans des zones dites « réglementées », c’est-à-dire dans un périmètre de 20 km autour de chaque foyer repéré. Pourquoi ne pas vacciner l’ensemble du cheptel ? Il semble que la réponse soit en partie budgétaire, dans la mesure où c’est l’État qui prend en charge les vaccins. Pourtant, la dépense n’est pas exorbitante, le vaccin coûtant 1,40 euro l’unité, selon les informations du Monde. Multiplié par les 15,7 millions de tête du cheptel français, cela représenterait une dépense de 22 millions d’euros.
Une autre raison, plus réglementaire, est mise en avant par le ministère : « La vaccination induit des restrictions fortes sur les déplacements des bovins vaccinés, qui ne peuvent plus être exportés avec la même facilité qu’en l’absence de vaccination. La vaccination est donc une décision qui entraîne des conséquences importantes pour les éleveurs bovins, et qui doit donc être mesurée au regard des bénéfices attendus. »
Sanctions « sévères »
Il reste que les mesures d’abattage prises cet été n’ont pas pleinement atteint leur but, puisque la maladie – si elle a complètement disparu en Savoie et Haute-Savoie – a gagné d’autres départements, « probablement » du fait de « mouvements d’animaux, dont certains illicites », précise un communiqué du ministère, vendredi dernier. Cette situation est jugée « préoccupante » et « fragilise la confiance de nos partenaires européens ». D’où la décision de durcir les mesures pour tenter de confiner l’épidémie, avec l’interdiction des rassemblements « festifs » de bovins sur tout le territoire, l’interdiction des marchés aux bestiaux dans trois régions et l’interdiction de toute exportation jusqu’au 4 novembre au moins. La vaccination, dans les zones réglementées, sera « imposée » si l’éleveur la refuse.
Estimant que la propagation de la maladie est, en partie, due au « non-respect » de certaines règles par des éleveurs, la ministre a assorti les nouvelles mesures de sanctions « sévères » : « amende en cas de non-respect des mesures de limitation des mouvements, augmentée en cas de récidive » et « non-dédommagement par l’Etat pour le dépeuplement si les infections résultent de comportements interdits ».
La FNSEA, dès vendredi, a fait part de sa « surprise » face à l’interdiction d’exporter, mesure qui a selon elle été prise « sans concertation ». La Confédération paysanne, de son côté, s’indigne du fait que le gouvernement accuse les éleveurs d’être responsables de l’extension de l’épidémie, alors que le gouvernement refuse, pour l’instant, une vaccination intégrale du cheptel.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du lundi 20 octobre 2025




