Plus de huit communes sur dix disposent d’au moins une offre d’hébergement sur la plateforme de location touristique de courte durée Airbnb. C’est ce que révèle l’Institut Terram, un groupe de réflexion dédié à l’étude des territoires, dans une étude basée sur des données fournies par l’entreprise américaine, celle-ci étant adhérente du think tank.
Ce travail retrace l’expansion rapide de la plateforme en une décennie. D’une pratique marginale avec une présence ponctuelle dans « quelques zones littorales, stations alpines et grandes métropoles », elle s’est généralisée et s’est répandue depuis dans la « quasi-totalité » du pays. Mais elle reste concentrée dans « les grands pôles d’attractivité nationale : littoraux, montagne, patrimoine, grandes métropoles ».
L’essor de certaines destinations rurales
Pour preuve de son omniprésence, elle vient de franchir, cet été, la barre du million d’annonces dans le pays, la France étant devenue son deuxième marché, derrière les États-Unis. Plus globalement, « le volume de nuitées réservées sur les plateformes en ligne telles qu’Airbnb, Booking ou Abritel a plus que doublé entre 2018 et 2024, alors que celui de l’hôtellerie stagnait », note le centre de réflexion. Résultat, la France comptait 28 289 communes accueillant au moins une offre Airbnb (81 %), contre 5 418 d’entre elles dotées d’un hôtel (15,6 % du total) en 2024.
La plateforme a notamment contribué à l’essor de certaines destinations rurales en étoffant l’offre d’accueil dans ces zones peu fournies. « Dans les communes de moins de 500 habitants, seules 5 % disposent d’un hôtel mais plus des deux tiers d’une offre Airbnb », constate l’institut Terram, qui estime que le revenu médian des hôtes atteint « 3 800 euros annuels, équivalant souvent à un treizième, voire à un quatorzième mois de salaire ».
Un argument phare de la plateforme pour mettre en avant son utilité alors que le pouvoir d’achat des Français est en souffrance depuis la crise inflationniste post-covid, tout comme les budgets des collectivités qui subissent des coupes. En 2024, la plateforme a ainsi reversé « 218 millions d’euros de taxe de séjour à 25 700 communes », en hausse de 16 % par rapport à 2023. Mais sur ce point, la plateforme de location n’est pas exempte de tout reproche puisqu’elle ne respecte pas toujours la collecte et le reversement de la taxe de séjour, comme dans le très médiatique cas de l’Île d’Oléron qui a fait condamner plusieurs plateformes.
Dans les communes de 1 000 à 3 000 habitants, Terram constate aussi que « la présence d’Airbnb s’accompagne d’une densité accrue de commerces et services » : « les bourgs sans réservation recensent en moyenne 3,5 commerces et services de base, contre 7 dans les localités où les nuitées dépassent 10 000 par an et plus de 10 où les nuitées dépassent 20 000 par an. » La contrepartie, c’est que la plateforme est souvent accusée d’entraîner une raréfaction des commerces abordables dans certains centres-villes et d’une offre plus adaptée aux touristes qu’aux habitants.
Résidences secondaires
Derrière son implantation dans « les grands pôles d’attractivité nationale » (littoraux, montagne, patrimoine, grandes métropoles » ), la plateforme sert aussi de « révélateur des nouvelles géographies touristiques », selon l’institut. Ainsi les « parcs naturels, zones viticoles (Alsace, Bordelais), montagnes intermédiaires (Cantal, Cévennes) ou campagnes patrimoniales connaissent une progression soutenue du tourisme vert ».
Et « les stations du massif des Vosges (Gérardmer, Ventron, La Bresse, Le Valtin), enclaves touristiques dans un département vosgien qui l’est peu, rencontrent un fort succès sur Airbnb ».
Sans surprise, les auteurs relèvent aussi « les tensions » créées par l’activité de la plateforme d’hébergement de courte durée et pointe notamment le rôle des résidences secondaires.
La carte des résidences secondaires recoupe, par exemple, « partiellement celle d’Airbnb ». « Dans les Alpes, les Cévennes ou la côte atlantique, ces logements constituent la base de l’offre touristique ; ailleurs, ils restent un stock inactif, hérité de l’exode rural », observe ainsi l’étude qui souligne que « certaines zones à forte densité de résidences secondaires (Creuse, Nièvre, Centre-Bretagne) génèrent peu de réservations, tandis que des espaces à faible densité (vallée du Rhône, agglomérations, zones rétro-littorales) affichent une activité intense ».
Fractures et régulation
Si la plateforme offre « une réponse à la demande de flexibilité, favorise l’économie d’appoint des ménages et soutient les commerces de proximité », son succès « accentue certaines fractures : raréfaction du logement dans les zones tendues, hausse du foncier et inégalités d’accès aux vacances », explique l’institut qui précise que « classes modestes, jeunes femmes et ruraux restent les plus empêchés ».
Ces dernières années, l’activité de la plateforme – et de ses concurrentes – est régulièrement montrée du doigt et accusée d’être en partie responsable de la gravité de crise du logement en France. En encourageant la transformation de résidences principales en locations de courte durée, elle pèse ainsi sur l’accès aux logements et sur leurs prix.
Des villes ont ainsi sévèrement durci leur réglementation et rendu cette activité impossible voire quasi impossible. Comme le relate une enquête réalisée dernièrement par Le Monde, le cas de New York est éloquent. Après avoir longtemps représenté l’un des plus gros marchés de la location de courte durée, la métropole américaine a fait disparaître au moins 90 % des annonces de la plateforme après la mise en place de restrictions importantes il y a deux ans.
La France a aussi commencé à réguler le secteur. Depuis 2019, les plateformes déclarent automatiquement les revenus à l’administration fiscale. L’an passé, les parlementaires se sont accordés pour autoriser les élus locaux à abaisser à 90 jours par an la durée maximale d’une location saisonnière et à créer des zones réservées aux résidences principales. La niche fiscale très avantageuse a aussi été rabotée.
« En 2025, plus de 450 communes imposent un numéro d’enregistrement et certaines, comme Paris, Bordeaux ou Lyon, exigent une compensation logement pour les résidences secondaires », selon l’institut.
Plus globalement, entre 2018 et 2024, le nombre de nuitées réservées en France sur les plateformes de location de meublés touristiques a plus que doublé selon l’institut statistique européen Eurostat, pour atteindre 192,4 millions de nuitées. Cela représente plus de 40 % du total des nuitées touristiques. Entre octobre 2024 et septembre 2025, « en moyenne 1,31 million d’annonces de locations saisonnières actives chaque mois » dont 71 % proposées sur Airbnb, 12 % sur Abritel et les 17 % restants étant « présentes sur les deux plateformes », a recensé le cabinet AirDNA, spécialisé dans l’analyse statistique de la location courte durée.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du jeudi 30 octobre 2025





