Une « épargne forcée » multipliée par deux et étendue, un Fonds vert sabré et un gel de la DGF… Afin de redresser les comptes publics, le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 présenté, hier, prévoit, sans grande surprise, de mettre à contribution les collectivités et reprend, pour l’essentiel, les mesures concoctées l’été dernier par François Bayrou.
S’il est qualifié par le gouvernement de « juste », cet effort sembre être bien supérieur aux « 2,2 milliards d’économies » qui leur a été officiellement imposées en 2025. Mais, en contrepartie, l’exécutif promet « une réduction du poids des normes », comme l’avait déjà annoncé l’ancien ministre de l’Aménagement du territoire, François Rebsamen, qui certifiait, en juillet dernier, que « plus [aucune] norme ne sera imposée aux collectivités sans une discussion préalable avec elles ».
Lors de l’audition des ministres de l’Économie et des Comptes publics, hier soir, le président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, Éric Coquerel (LFI), a rapidement critiqué un « plan d’austérité de 5 milliards sur les communes et services locaux », sans expliquer son chiffrage. Et, en juillet dernier, le président du Comité des finances locales (CFL), André Laignel, prévenait déjà que « les coupes claires faites sur les collectivités vont peser sur les investissements et vont impacter très lourdement un certain nombre de branches professionnelles, comme le BTP ». Ce matin, devant le Comité des finances locales, Amélie de Montchalin a évoqué – sans détailler ces chiffres – une ponction de « 4,6 milliards d’euros » pour les collectivités.
Dilico : 1,2 milliard d’euros pris au bloc communal
Reste que c’est à travers la reconduction et la hausse du dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités (Dilico) – instauré l’an passé et prévu initialement pour ne durer qu’une année – que portera en grande partie l’effort des collectivités. L’objectif est connu et consiste à « associer » ces dernières au « rétablissement des comptes publics ».
Mais la copie de Sébastien Lecornu prévoit que ce « nouveau Dilico » soit doublé par rapport à sa version 2025 pour être porté à 2 milliards d’euros. La ponction s’établirait ainsi à 720 millions d’euros pour les communes, 500 millions d’euros pour les EPCI, 280 millions d’euros pour les départements et 500 millions d’euros pour les régions.
Pour répartir cette nouvelle charge, cette « épargne forcée » devrait être étendue à de nouvelles collectivités. Pour rappel, le Dilico ciblait cette année quelque 1 900 communes, 141 EPCI et la moitié des départements – ainsi que les régions – en ponctionnant leurs recettes à hauteur d’un milliard d’euros, avec des prélèvements individuels qui varient de quelques milliers à des millions d’euros et qui frappent jusqu’aux très petites communes. Selon les chiffres donnés par le précédent gouvernement à l’AMF, il semble que l’on s’apprête à changer d’échelle, puisque le nombre de collectivités concernées pourrait doubler et approcher les 4 000.
La ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, a confirmé hier soir, lors de son audition devant la commission des finances, que les sommes prélevées en 2025 seront bien reversées aux collectivités, par tiers, pendant trois ans à compter de l’an prochain. Sur ce point aussi, le nouveau Dilico diverge de sa version 2025 puisque son reversement serait étalé sur cinq ans. L’objectif est de « faire coïncider la temporalité de la mesure avec celle de la durée des cycles électoraux et d’éviter des reversements trop massifs ».
Le Fonds vert encore raboté
Autre mauvaise nouvelle, la nouvelle amputation du Fonds vert. Après la saignée de 2025, année durant laquelle son montant a été divisé par deux (passant de 2,5 milliards d’euros en 2024 à 1,15 milliards d’euros), ce fonds dédié aux projets d’adaptation au changement climatique des collectivités locales subirait une nouvelle coupe de 500 millions d’euros et se réduirait comme peau de chagrin, à quelque 650 millions en 2026, selon les mesures retenues par le gouvernement dans le projet de budget.
Sans compter que ce « fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires », de son vrai nom, devient de plus un plus une subvention fourre-tout, celui-ci pouvant depuis 2025 financer 19 mesures différentes, dont l’aide aux maires bâtisseurs, le soutien aux PCAET, ou encore les aménagements cyclables.
Cet outil de financement de la transition écologique dans les territoires est pourtant essentiel au moment où plusieurs études affirment qu’il faudrait accélérer les projets verts pour atteindre la neutralité carbone en 2050.
DGF « gelée »
Après trois hausses consécutives, la DGF serait cette fois-ci « gelée » l’an prochain à son montant de 2025, comme l’a confirmé Amélie de Montchalin lors de son audition. Le gel, compte tenu de l’inflation, correspond à une baisse en euros constants. À noter la réintégration du montant de la fraction de TVA affectée aux régions depuis 2018.
« Cela veut dire que pour certains, c’est une baisse continue et ce, depuis des années. Et pas pour les plus riches qui n’ont déjà pas de DGF », a rappelé, hier soir, la députée socialiste du Puy-de-Dôme, Christine Pires Beaune, lors de l’audition devant la commission des finances de l’Assemblée.
En parallèle, la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) et la dotation de solidarité rurale et de cohésion sociale (DSR) progresseraient respectivement de 140 et 150 millions d’euros afin de « renforcer de l’effort de solidarité ». « La hausse de la DSR en 2026 sera répartie au minimum à 60 % sur sa deuxième fraction dite « péréquation », dont la quasi-totalité des communes de moins de 10 000 habitants bénéficie », détaille le projet de budget. Cependant, l’enveloppe totale de la DGF étant gelée, les hausses de la DSU et de la DSR seront intégralement financées à l’intérieur de la DGF, et entraineront des fortes pertes sur les parts forfaitaires de DGF.
On peut, toutefois, noter que les collectivités seront sollicitées via la minoration d’un ensemble de dotations appelées « variables d’ajustement » (notamment la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle), à hauteur de 527 millions d’euros.
Par ailleurs, les allocations compensatrices relevant des locaux industriels seraient réduites de 25 % et ainsi ramenées à leur « niveau de 2021 ». Critiquant initialement le projet de budget de François Bayrou, Intercommunalités de France assurait récemment que « beaucoup de territoires industriels ou anciennement industriels seront particulièrement touchés » et regrettait que ce type de mesure soit « en contradiction totale avec l’objectif de réindustrialisation du pays » .
FCTVA, le calendrier modifié
Après le gel de la TVA l’an passé, l’exécutif a décidé de poursuivre en 2026 « un encadrement, par une sous-indexation, de la dynamique de cette fiscalité ».
Cependant, il assure que, « au titre de l’exercice 2026, cette mesure serait neutre pour les collectivités locales dans la mesure où la TVA nationale prévisionnelle pour 2025, sur la base de laquelle est désormais calculée leurs fractions, est prévue en baisse par le présent projet de loi de finances ». Or « le dispositif d’écrêtement ne s’applique pas en cas de baisse de la TVA nationale ».
S’agissant du versement du fonds de compensation de la TVA (FCTVA) aux EPCI, son calendrier serait rétabli à « l’année suivant la dépense d’investissement » dans « une logique d’harmonisation et de simplification ».
Le gouvernement a aussi choisi de limiter l’assiette des dépenses éligibles sur « les seules dépenses d’investissement » – ce qui est donc encore une mesure défavorable aux collectivités – tout en l’étendant aux « participations des collectivités versées dans le cadre des concessions d’aménagement, lorsqu’elles financent des équipements publics ». La mise en œuvre du mécanisme d’avance serait, par ailleurs, « simplifiée pour tout bénéficiaire du FCTVA situé dans des communes ayant fait l’objet d’une reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ».
Normes : un « grand chantier » de simplification
En « contrepartie » des efforts réalisés par les collectivités, l’exécutif annonce « un grand chantier de simplification normative ». Une fois encore, le terme de « contrepartie » pose question. Car le calendrier n’est pas du tout le même : si le budget est adopté en l’état, c’est dès l’année prochaine que les collectivités vont être lourdement ponctionnées, tandis que les éventuels effets d’un « chanter de simplification normative », pour positifs qu’ils puissent être, ne se feront sentir qu’au bout de plusieurs années.
Le gouvernement explique qu’« un regroupement des dotations d’investissement existantes est proposé » avec la création d’un nouveau « fonds d’investissement pour les territoires » (FIT).
Celui-ci regrouperait les dotations d’investissement bénéficiant au bloc communal (DETR, Dsil, DPV) et constituerait « une avancée structurante », selon le gouvernement pour qui « cela doit permettre de simplifier les démarches des élus mais aussi afin de faciliter la coordination avec d’autres cofinancements mobilisables ». Tenant compte du fait que « les dépenses d’investissement local se replieraient modérément », son montant s’élèverait à 1,4 milliard d’euros en 2026, « correspondant à un point bas du cycle » électoral.
Par ailleurs, « le cadre en vigueur en matière de rénovation énergétique des bâtiments tertiaires, caractérisé par une multiplicité d’objectifs, de délais, de normes applicables et de leviers mobilisables, pourrait être simplifié, sans pour autant remettre en cause l’atteinte des objectifs climatiques de la France », annonce l’exécutif
En outre, « les collectivités les plus fragiles seront par ailleurs accompagnées » avec un fonds de sauvegarde des départements porté à 300 millions d’euros, soit « un montant trois fois supérieur par rapport à sa dernière mobilisation ».
« L’accompagnement des collectivités faisant face à des événements climatiques sera également augmenté et simplifié », indique le gouvernement.
La pilule était déjà amère dans le budget 2025. Il semble qu’elle va l’être encore davatange l’année prochaine.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du mercredi 15 octobre 2025




