C’était l’un des points de satisfaction mis en avant, le mois dernier, par la délégation aux collectivités du Sénat : la mise en place par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) d’un événement visant à « faire découvrir les solutions concrètes » qu’elle propose aux élus locaux et de se rapprocher, par là même, de ces derniers.
Jugé encore largement méconnu il y a deux ans (la moitié des élus locaux avouaient ne pas connaître l’agence à l’époque et les trois quarts n’y avoir jamais fait appel), cet établissement public très récent – il a été mis en œuvre en 2020 à la veille de la crise sanitaire – a donc organisé, hier, à Dijon, la troisième édition de son ANCTour. Un salon imaginé pour permettre aux élus locaux de découvrir et mieux comprendre les dispositifs de l’État destinés à faire avancer leurs projets.
L’ANCT s’est « largement améliorée »
Pour rappel, l’ANCT doit notamment conseiller et soutenir les collectivités dans la mise en œuvre de leurs projets et faciliter l’accès des plus petites d’entre elles à l’ingénierie, tout en déployant les différents programmes de cohésion des territoires, tels que « Action cœur de ville », « Petites villes de demain » ou encore les « Maisons France service ».
Très larges, ses politiques recouvrent le pilotage de la politique de la ville, les dispositifs de l’État en faveur des villes, de la ruralité et de la montagne, le déploiement du très haut débit, mais aussi les politiques d’accès aux services publics, d’accès aux soins, du logement, des mobilités, ou encore la revitalisation commerciale des centres-bourgs.
Si l’ANCT se déploie sur l’ensemble du territoire, elle souhaite notamment « renforcer son impact dans les territoires les plus fragiles », a rappelé le président de cette agence placée sous la tutelle du gouvernement, Christophe Bouillon, également président de l’Association des petites villes de France (APVF).
Encore sévèrement critiquée il y a deux ans, à la suite d’un premier bilan réalisé par la délégation aux collectivités territoriales du Sénat (une agence « mal connue », « mal comprise » par les élus qui la percevaient comme « inadaptée », « inefficace » et « bureaucratique » ), « l’action de l’ANCT s’est (depuis) largement améliorée », a défendu le ministre de l’Aménagement du territoire, François Rebsamen, dans une vidéo diffusée pour l’occasion.
« Nous avons tenu compte d’un certain nombre de recommandations (…) pour être au plus près du territoire », a fait valoir Christophe Bouillon. Ce qui a ainsi permis, en 2024, d’avoir une offre d’ingénierie qui a « impacté plus de 80 % des communes ou intercommunalités rurales » avec plus de 2 500 projets locaux accompagnés.
C’est « l’une des forces de l’ANCT » dont l’action a « envahi tous nos territoires », a aussi salué la ministre chargée de la Ruralité, Françoise Gatel, qui a également pointé le « succès fabuleux » des 2 800 maisons France services (100 de plus sont prévues cette année et encore 100 autres l’année prochaine) – qui mettent les habitants à « moins de 20 minutes de chacune d’entre elles » – dont le but était de remédier au « sentiment d’abandon » et de « colère » des habitants des territoires ruraux notamment.
Avec 37 millions de demandes traitées depuis la création de ces maisons, « nous n’avons jamais eu dans notre pays un niveau de service public comme nous l’avons aujourd’hui », a assuré l’ancienne sénatrice.
Reconversion de friches et réhabilitation d’écoles
Présentée comme un « salon des solutions », cette troisième édition de l’ANCTour a donc été l’occasion de présenter aux élus présents les actions concrètes de l’agence en Bourgogne-Franche-Comté avec l’exemple d’une reconversion de friche industrielle, la mise en place d’une « cité tiers-lieux » pour favoriser le développement économique ou encore la réhabilitation de deux anciennes écoles en restaurant et en un site multifonctionnel mêlant centre médical, commerces de proximité et logements abordables.
Pour favoriser l’attractivité territoriale, le maire des Voivres (300 habitants), Michel Fournier, qui a soutenu la création d’un fabricant de lunettes et une couveuse d’entreprises pour la filière bois dans son village, a rappelé que « la recette est simple, c’est le sens de l’accueil. Il faut savoir écouter les personnes qui n’ont que l’esquisse d’un projet et après l’accompagner. Il faut croire en leur potentialité. »
« Il faut aussi savoir regarder son territoire », a conseillé celui qui est également président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) : « Quand on n’a rien, on a souvent quelque chose que l’on ignore. Nous, on avait de l’eau et de la forêt, on a acheté du foncier et on a créé un centre d’éducation à l’environnement avec de l’hébergement. On reçoit désormais 5 à 7 000 enfants tous les ans. Il faut regarder ce qu’il y a dans sa commune, il y aura toujours quelque chose… »
Face à la crise du logement et au problème de mobilité des jeunes pour chercher un emploi ou faire leurs études, le préfet de la Haute-Saône, Romain Royet, est, lui, en train de déployer un outil de l’ANCT (« Espace sur demande » ) dans le but de mettre en relation les jeunes de son département en « activant » le parc de logements classiques mais aussi des hébergements chez l’habitant.
« Difficilement accessible » aux petites communes
Les représentants de l’ANCT ont également mis en avant le déploiement de grands programmes nationaux pour les territoires défavorisés, urbains, ruraux ou montagnards avec « le triplement » de la couverture de la fibre « ces dernières années », 244 communes accompagnées par Actions coeur de ville et 1 600 par Petites villes demain, sans compter les près de 3 000 villages d’avenir et la création de 208 cités éducatives.
« Tous ces chiffres attestent de l’efficacité de l’action portée par l’ANCT », aux yeux du président de l’agence qui estime dorénavant agir « dans la quasi-totalité des territoires ».
Pas tout à fait la perception de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat qui, dans un deuxième bilan publié il y a un mois, relativisait ces dernières statistiques. Tout en reconnaissant que la moitié de ses recommandations publiées en 2023 ont déjà été « suivies d’effets ».
Si des progrès ont donc bien été constatés en matière de rapprochement de l’agence avec les élus locaux ainsi que de remobilisation des préfets, « l’offre de l’agence bénéficie toujours à un nombre réduit de collectivités et peine à atteindre les élus des communes de petite taille », affirment ainsi ces rapporteures, celles-ci estimant que « le nombre de collectivités soutenues reste modeste, en rapport avec le budget de l’agence qui représente environ 200 millions d’euros » et le nombre de communes et d’EPCI français.
Et bien que l’agence ait amélioré son offre d’ingénierie et organisé de « nombreux forums locaux d’ingénierie », les sénatrices considèrent qu’elle « contribue très peu à renforcer les acteurs de l’ingénierie locale ». Les montages permettant le soutien direct à des structures locales sont ainsi « encore trop rares », selon elles alors même que « l’accès au marché d’ingénierie nationale de l’ANCT reste difficile pour les petites structures, sauf à se constituer en groupements ».
Alors que la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, a annoncé vouloir regrouper certaines agences et opérateurs de l’État pour réaliser 2 à 3 milliards d’euros d’économies d’ici 2027 (des rapprochements qui pourraient concerner l’ANCT), les rapporteures ont par avance réclamé « la pérennisation des crédits de l’agence face au contexte budgétaire contraint ».
SOURCE : MAIREinfo – Édition du mercredi 4 juin 2025