À l’occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof) publie de nouvelles statistiques concernant l’année 2024. Comme chaque année, les chiffres de cet Observatoire national des violences faites aux femmes sont très inquiétants. Beaucoup reste à faire alors qu’en 2024 107 femmes ont été assassinées par leur conjoint ou ex-conjoint en France, un chiffre en hausse de 11 % sur un an.
Violences sexistes et sexuelles : un fléau qui perdure
La Lettre de l’Observatoire national des violences faites aux femmes « réunit et analyse les principales données issues de la statistique publique et du monde associatif en 2024 permettant de mieux mesurer et comprendre ce phénomène systémique ancré dans les inégalités de genre. »
Les chiffres sont alarmants. 1 371 000 de femmes majeures ont déclaré avoir été victimes de harcèlement sexuel, d’exhibition sexuelle, ou encore d’envoi d’images à caractère sexuel sur l’année 2023. 277 000 femmes majeures déclarent avoir été victimes de viols ou tentatives de viol ou d’agressions sexuelles, soit une femme toutes les 2 minutes.
Parmi les 110 125 victimes de violences sexuelles enregistrées par les services de police et de gendarmerie, 91 % des victimes majeures de violences sexuelles enregistrées sont des femmes. À l’inverse, 95 % des mis en cause pour viols, agressions ou atteintes sexuelles sont des hommes et 99 % des condamnés sont des hommes.
L’Observatoire met en évidence la prégnance des violences sexistes et sexuelles au sein du couple. En 2024, 1 283 victimes de féminicides directs ou indirects ou tentatives de féminicide ont été recensées. Les violences physiques, verbales ou psychologiques et/ou sexuelles au sein du couple sont aussi très fréquentes. 376 000 en ont déclaré, soit 12 % de l’ensemble des femmes victimes de violences (toutes natures confondues). Depuis 2016, 1 740 346 victimes de violences au sein du couple ont été enregistrées au total.
Les enfants sont aussi des victimes des violences sexistes et sexuelles. 21 880 enfants co-victimes ont été identifiés par le « 3919 – Violences Femmes Informations » et 5 237 enfants par le par le 119 – Service d’accueil téléphonique de l’enfance en danger.
Globalement, les violences sexuelles enregistrées ont augmenté de 136 % entre 2016 et 2024 et les violences au sein du couple ont connu une hausse de 119 % sur cette même période.
Des aides en ligne et dans les territoires
Ces dernières années – et face à l’ampleur du phénomène – des dispositifs d’aide aux victimes ont été développés « comme l’aide universelle d’urgence, le Pack Nouveau Départ, le dépôt de plainte à l’hôpital, le téléphone grave danger ou le bracelet antirapprochement. [Ces dispositifs] sauvent des vies, redonnent de la dignité », rappelle Aurore Bergé, ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations.
La ligne d’écoute « 3919 – Violences Femmes Info » est par exemple un outil utile. Elle a permis de prendre en charge plus de 100 000 appels en 2024 et plus de 9 appelantes sur 10 ont déclaré une situation de violences au sein du couple. De même, en 2024, la ligne d’écoute gratuite « Viols Femmes Informations » (0 800 05 95 95) a traité 6 469 appels pour viols et agressions sexuelles. Les écoutantes de ces plateformes « proposent un soutien, un éclairage sur les démarches à faire et les lieux d’accueil existants ainsi qu’un accompagnement (notamment juridique, tout au long des procédures judicaires). »
La plateforme numérique de signalement des atteintes aux personnes et d’accompagnement des victimes (PNAV) a également permis en 2024 que 12 725 tchats pour violences sexistes et sexuelles soient traités par les services de police. Ces témoignages ont fait l’objet d’un signalement dans 81 % des cas.
Enfin, on recense en 2024 11 282 places d’hébergement dédiées aux femmes victimes de violences dont 2 817 en Ile-de-France. L’Observatoire déplore cependant des « disparités régionales » fortes qui exacerbent les tensions en matière d’hébergement d’urgence dans les territoires et particulièrement en Outre-mer.
Des annonces mais un manque de financements
À la veille de cette journée de lutte contre les violences faites aux femmes, plusieurs annonces ont été faites.
D’abord, la ministre Aurore Bergé a dévoilé un projet de loi-cadre comprenant 53 mesures visant à « mieux former, mieux détecter, mieux prévenir et mieux sanctionner » les violences faites aux femmes. Dans une interview à l’AFP, la ministre estime qu’il « faut que les bourreaux aient peur (…) aujourd’hui ils n’ont pas peur, parce que la prescription les protège, parce que l’angoisse du dépôt de plainte les protège, parce que l’angoisse de la confrontation les protège, parce que l’angoisse de la durée aussi du traitement judiciaire les protège. Il faut que ce soit eux qui aient peur, il faut qu’ils aient conscience que les victimes, à tout instant, pourront avoir accès à la justice » . Elle précise vouloir voir ce texte inscrit à l’ordre du jour parlementaire « dès que cela sera possible ».
En même temps que cette annonce gouvernementale, la députée socialiste Céline Thiébault-Martinez a annoncé déposer une proposition de « loi intégrale de lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants » . Le texte a été signé par 110 parlementaires de différents partis. Au total 78 mesures sont proposées comme la création d’unités spécialisées au sein de la police judiciaire, l’obligation de formation des forces de l’ordre au traitement et à la détection des violences sexistes et sexuelles ou encore la mise en place d’entretiens à l’école pour repérer les situations de violences au sein des familles.
Un rapport a également été remis au ministre de la Justice, Gérald Darmanin, pour apporter une réponse judiciaire mieux adaptée. Il a été réalisé par deux magistrats : Gwenola Joly-Coz et Éric Corbeaux. Ils proposent notamment la création d’un juge spécialisé dans les violences intrafamiliales.
Effets d’annonces ou véritables ambitions ? Le temps nous le dira. Mais pour le moment la question du financement est absente des débats. Dans un rapport sénatorial publié en juillet dernier, évaluant le financement de la lutte contre les violences faites aux femmes, les sénateurs estimaient que cette grande cause était encore « mal dotée » . Les rapporteurs déploraient des montants dérisoires au regard des milliards d’euros estimés comme le coût sociétal annuel des violences ainsi qu’un financement de l’État déséquilibré, non évalué et mal organisé avec « morcèlement des crédits et un pilotage insuffisant de la politique ».
SOURCE : MAIREinfo – Édition du mardi 25 novembre 2025






