217 voix contre, 97 pour. La proposition de loi dite « PLM » n’a eu aucune chance, hier, au Sénat. Ce texte, adopté par les députés le 9 avril dernier, vise à mettre partiellement fin à l’exception que connaissent les trois plus grandes villes du pays, qui élisent les conseillers municipaux par arrondissement, le conseil « central » étant composé des premiers élus de chaque liste d’arrondissement.
Dans la version finalement votée à l’Assemblée nationale, un système de « double scrutin » était proposé : deux scrutins auraient lieu le jour des élections municipales, un pour le conseil d’arrondissement, l’autre pour le conseil municipal sur une circonscription unique. Les partisans de ce texte – macronistes, LFI et RN – ont plaidé une plus grande « transparence » et l’impossibilité qui découlerait du nouveau dispositif de voir un maire élu tout en étant minoritaire en voix à l’échelle de la ville – comme ce fut le cas pour Gaston Deferre à Marseille en 1983.
Par ailleurs, les partisans du texte dénoncent dans le dispositif actuel un système qui favorise un « écrasement » du conseil municipal par le groupe majoritaire : la commission des lois de l’Assemblée nationale a par exemple cité le cas des élections municipales de 1983 à Paris où le RPR de Jacques Chirac, avec 51,6 % au second tour, avait obtenu 86 % des sièges au Conseil de Paris. Dans le texte proposé, la « prime » au vainqueur serait non plus de 50 % des sièges mais de 25 %.
Du côté des adversaires du texte, on ne s’est pas privé d’insinuer que les véritables motivations des auteurs de cette proposition de loi seraient de favoriser l’élection de candidats macronistes notamment à la mairie de Paris.
Réforme « contestable à tous points de vue »
Le Sénat s’est montré extrêmement sévère vis-à-vis de ce texte dès son examen en commission : le rapport de la commission des lois pointe une réforme « fragile sur le plan juridique, impossible à mettre en œuvre sur le plan pratique et au coût particulièrement élevé ». Cette réforme, fustige la rapporteure de la commission, s’est faite « dans la précipitation, sans concertation de l’ensemble des parties prenantes », sans compter qu’elle générerait « une forte instabilité politique » et qu’elle « mettrait à mal la démocratie de proximité, à rebours du souhait exprimé par les électeurs ».
Conclusion sans appel de la commission des lois : il convient de « rejeter une réforme problématique à tous égards et contestable à tous point de vue ».
Notons que l’AMF, consultée en amont de la discussion parlementaire, avait elle-même pointé les difficultés logistiques majeures posées par cette réforme – avec l’obligation dans ces trois communes d’organiser deux scrutins le même jour, voire trois, à Lyon, où il faut également élire les conseillers à la Métropole. Il faudrait donc organiser deux, voire trois bureaux distincts, dédoubler voire tripler les bulletins de vote, les plis de propagande électorale, les listes d’émargement… Et l’on imagine aisément le casse-tête que représenterait le fait de trouver deux fois, voire, à Lyon, trois fois plus d’assesseurs que d’habitude.
L’AMF avait également fait valoir que le passage à 25 % de la prime majoritaire pouvait conduire à des situations de majorité relative, dont l’Assemblée nationale illustre depuis quelques mois les difficultés profondes.
CMP ou nouvelle lecture ?
Au Sénat hier, toutes ces critiques ont été répétées et développées, tant par les LR que par les socialistes et les communistes, très hostiles à cette réforme. La quasi-absence de sénateurs LFI et RN a fait le reste, et a conduit au rejet très majoritaire du texte.
Et maintenant ?
Les Républicains ont appelé hier le gouvernement et le groupe macroniste à l’Assemblée à abandonner et à s’en tenir là : « Le retrait de cette réforme s’impose », écrivent-ils. Ce qui pose un problème politique très clair aux amis du président de la République, qui ne peuvent que difficilement se passer du soutien des Républicains à l’Assemblée nationale.
Le gouvernement a en effet deux solutions : ou bien il convoque une commission mixte paritaire députés-sénateurs, qui a toutes les chances d’échouer vu la position du Sénat. Ou il enjambe le Sénat et décide de donner le dernier mot à l’Assemblée nationale, il pourrait l’emporter par une étrange alliance bloc central/LFI/RN. Au risque de provoquer un casus belli avec les LR, dont plusieurs figures – dont le président – sont, rappelons-le, membres du gouvernement. Le pari paraît pour le moins assez risqué.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du mercredi 4 juin 2025