La discussion de la semaine dernière, au Sénat, a été largement marquée par les débats sur les conflits d’intérêt et la charte de l’élu local – débats qui se sont finalement terminés de façon plutôt positive pour les associations d’élus (lire Maire info du jeudi 23 octobre). Mais au-delà, de nombreux points du texte ont été modifiés, souvent pour revenir à la version initiale proposée par le Sénat en première lecture.
Mandat et vie professionnelle
Le Sénat a d’abord rétabli le passage à 20 jours du congé électif (congé auquel peuvent, de droit, prétendre tous les candidats notamment à une élection locale, législative ou européenne). Il s’agirait d’une harmonisation du droit, puisque ce congé est actuellement de 20 jours uniquement pour les élections législatives et sénatoriales, les autres scrutins ne donnant droit qu’à 10 jours de congé. Rappelons que ces congés sont sans solde, ce qui limite quelque peu la portée de cette mesure – peu de salariés ayant la possibilité de renoncer à 20 jours de salaire.
Les sénateurs ont également rétabli une disposition visant à prendre en compte la période de suspension du contrat de travail d’un élu local pour exercer son mandat dans le calcul du montant de ses indemnités de licenciement et pour la perception d’avantages légaux ou conventionnels : cette période serait assimilée à du temps de travail effectif, dans la limite de deux mandats. Ils ont par ailleurs supprimé l’abattement fiscal décidé à l’Assemblée nationale pour les élus locaux commerçants ou artisans indépendants, estimant cette mesure « inapplicable en droit comme en pratique ».
Ils ont, en revanche, rétabli l’extension des autorisations d’absence « aux missions effectuées par les élus municipaux dans le cadre d’un mandat spécial ».
Une autre disposition a été supprimée : celle visant à faire prendre en charge par une commune les frais de déplacement des élus communautaires en situation de handicap, lorsque la réunion se tient sur son territoire, a été supprimée. Les frais resteront supportés par l’EPCI.
Indemnités
Les sénateurs ont supprimé la disposition votée par les députés qui permettait de majorer les indemnités de fonction des maires de communes de plus de 100 000 habitants au-delà de l’enveloppe indemnitaire globale – ce qui a paru problématique aux sénateurs, « dans un contexte budgétaire difficile ». De même, l’obligation de fixer de droit les indemnités au maximum légal pour tous les adjoints et les vice-présidents d’EPCI à fiscalité propre a été supprimée.
Autre amendement intéressant, par son objet même : les sénateurs ont supprimé une disposition exigeant que le gouvernement élabore d’ici l’été prochain un rapport sur « les coûts pesant sur les communes liés aux attributions exercées par les maires au nom de l’État », afin d’étudier l’opportunité d’une indemnisation par l’État de ces coûts. Les sénateurs n’ont pas supprimé ce rapport parce qu’ils sont contre une telle indemnisation, bien au contraire : ils estiment que l’élaboration de ce rapport ralentirait la mise en œuvre de cette mesure, et souhaitent qu’elle soit intégrée dans le projet de loi de finances pour 2026. Rappelons que cette indemnité a été promise par le Premier ministre, Sébastien Lecornu, dès sa prise de fonction.
Formation
Pour ce qui concerne le droit à la formation, les sénateurs ont là encore rétabli les dispositions qu’ils avaient votées en première lecture : fixer le congé de formation dont peuvent bénéficier les élus à 24 jours par mandat (maximum), au lieu de 21, arguant que la complexification de l’action publique suppose « des formations plus longues et plus techniques ».
Frais de garde
Aujourd’hui, le remboursement par l’État des frais de garde et d’assistance engagés par les élus lorsque, par exemple, ils participent à des réunions liées à leur mandat, est limité aux seules communes de moins de 3 500 habitants. Le Sénat a rétabli le passage de ce seuil à 10 000 habitants, comme il l’avait fait en première lecture. Les députés avaient supprimé cette extension, sauf pour les communes ultramarines.
Congés maladie
Autre sujet complexe : la poursuite, ou non, de l’exercice du mandat pendant un congé de maladie. À ce jour, le Code de la Sécurité sociale permet certes à un élu de continuer d’exercer son mandat pendant un congé maladie – et de percevoir les indemnités journalières – mais seulement « sous réserve de l’accord formel de leur praticien » au préalable.
Le Sénat a donc choisi de supprimer cette obligation d’accord formel préalable du médecin, et permet donc aux élus de poursuivre l’exercice du mandat pendant une période d’arrêt maladie. Certes, cette disposition permettrait d’éviter les cas passés d’élus s’étant vu demander par l’Assurance maladie de rembourser des montants parfois très importants d’indemnités journalières, au motif qu’ils n’avaient pas reçu « l’accord formel » de leur médecin. Mais la mesure fait débat, au sein même de l’AMF, où certains jugent que cette disposition ne va pas dans le sens de la protection de la santé des élus qui, eu égard aux exigences de leur mandat, ne sont pas toujours les meilleurs juges pour savoir si leur état de santé leur permet, raisonnablement, de continuer à exercer leurs responsabilités.
Protection fonctionnelle
Les sénateurs ont en grande partie récrit l’article 19 de la proposition de loi, relatif à la protection fonctionnelle. En résumé, les sénateurs souhaitent que la protection fonctionnelle soit accordée, de façon automatique, à l’ensemble des membres élus d’une assemblée locale, qu’ils soient titulaires d’un mandat exécutif ou non, membres de la majorité ou de l’opposition. Cette extension de l’octroi automatique de la protection fonctionnelle « est justifiée au regard du risque croissant d’agressions physiques et verbales auquel sont aujourd’hui confrontés l’ensemble des élus locaux », jugent les sénateurs.
Pour ce qui concerne les modifications concernant la charte de l’élu local et la prise illégale d’intérêt, nos lecteurs les retrouveront dans notre édition du 23 octobre.
Il reste maintenant à savoir comment ces modifications seront reçues à l’Assemblée nationale – on ignore à ce jour à quelle date l’examen de ce texte aura lieu. L’enjeu du délai est de plus en plus important à mesure que l’on se rapproche des élections municipales. Pour espérer une promulgation rapide, il faudrait que les députés votent ce texte conforme, c’est-à-dire sans en changer une virgule. Dans le cas contraire, il faudra encore une commission mixte paritaire (CMP) et, dans le pire des cas, si cette CMP n’était pas conclusive, un nouvel examen du texte avec le dernier mot aux députés. Alors qu’un certain nombre de candidats sont déjà en campagne, un tel retard sur la promulgation de ce texte serait fort dommageable.
SOURCE : MAIREInfo – Édition du lundi 27 octobre 2025




