Le volume de courrier en France a drastiquement chuté. En 2023, 6 milliards de lettres ont été envoyées alors qu’en 2018 on en comptait 18 milliards, soit le triple. La Poste prévoit même que moins de 3 milliards de courriers seront envoyés d’ici 2030. Selon une étude menée par La Poste en 2024, sur 103 000 boîtes aux lettres de rue – on en compte 122 000 au niveau national – 64 % recueillent moins de 5 courriers chaque jour et près de la moitié (49 %) recueillent moins de 2 courriers.
Dans ce contexte, il a été annoncé en 2024 que La Poste allait, dès janvier 2025, entamer un chantier pour réduire progressivement le nombre de boîtes aux lettres jaunes dans les territoires et dont l’implantation remonte aux années 1960. Rapidement, dès le printemps 2025, la presse quotidienne régionale s’est fait l’écho du mécontentement de certains maires face à des suppressions surprises de boîtes aux lettres, notamment dans des petites communes rurales.
Des ratés et manquements
En avril dernier, dans le petit village de Moriat (Puy-de-Dôme) qui compte moins de 400 habitants, le maire Denis Legendre a eu une mauvaise surprise en découvrant sur une boîte aux lettres de la commune « un morceau de papier marqué HS (hors-service) ». Le maire questionne alors le facteur qui lui annonce la suppression programmée de cette boîte aux lettres. Au total, la commune compte deux boites aux lettres, dont une plus difficile d’accès car à côté d’une route départementale, et une autre dans un bourg voisin. « La Poste voulait en supprimer deux sur trois » , rapporte l’élu à Maire info.
Le maire demande alors un rendez-vous avec les représentants de La Poste qui lui expliquent qu’il n’y a plus beaucoup de lettres à ramasser chaque semaine dans ces boîtes et que les facteurs perdent du temps sur leur tournée. Pour pallier ces suppressions, « la solution proposée était de nous fournir une carte magnétique que les habitants posent sur leurs boîtes personnelles et les facteurs récupérent le courrier à domicile » , raconte Denis Legendre. Finalement, face au refus catégorique du maire qui n’a pas hésité à faire remonter le problème au Sénat, La Poste a laissé le projet en suspens. Aucune boîte n’a été retirée.
Malheureusement ce n’est pas un cas isolé. Cet été, que cela soit au Sénat ou à l’Assemblée nationale, les parlementaires n’ont cessé d’interpeller le gouvernement à ce sujet – à l’occasion de questions écrites notamment. Les exemples ne manquent pas : dans le département de Saône-et-Loire de nombreux maires n’ont pas été concertés comme dans les Côtes-d’Armor ou encore dans des communes rurales de la Nièvre.
D’un point de vue plus symbolique, cette absence de concertation a été interprétée comme un mauvais signal dans les petites communes rurales. « Les petites communes de 400 habitants n’ont plus rien et on continue à les étrangler » , peste Denis Legendre qui s’inquiète de la disparition plus générale des services publics en zone rurale. « Nous avons des personnes âgées sur la commune qui n’ont ni informatique ni voiture donc la boite aux lettres c’est essentiel », ajoute le maire qui n’est pas opposé à trouver des solutions alternatives avec La Poste.
Le dialogue comme ligne directrice
« La Poste a pu mal s’y prendre au début et des maires ont pu être mis devant le fait accompli », confirme Xavier Cadoret, maire de Saint-Gérand-le-Puy, qui siège pour l’AMF à l’Observatoire national de présence postale (ONPP). « Les associations d’élus ont demandé à Philippe Wahl (ex-PDG de La Poste jusqu’en juin dernier) de revoir cela dans le dialogue et d’avoir une méthodologie car effectivement cela s’est bien passé dans certains départements mais moins dans d’autres. »
Dans la commune de Marsac-sur-l’Isle (Dordogne, 3 165 habs.), la coopération a porté ses fruits. « Il y a eu une véritable concertation avec le représentant de La Poste qui avait prévenu la mairie plusieurs mois avant cette opération, raconte Yannick Bidaud, le maire de la commune. Nous avons même eu des chiffres sur l’utilisation des boites aux lettres. Les maires ne sont pas contre par principe la suppression des boîtes mais il faut trouver des solutions pour en conserver qui sont utiles. » C’est ce qui a été fait. Sur les 13 boîtes aux lettres de la commune, 6 sont quasiment inutilisées. Trois ont alors été supprimées et trois autres déplacées « dans des lieux plus passants comme à côté de l’école primaire par exemple ».
Dans une réponse à une question écrite au Sénat, l’ex-Premier ministre François Bayrou soulignait qu’au niveau local, chaque suppression de boîte aux lettres doit s’effectuer en concertation avec le maire de la commune concernée. Dans certains départements, comme dans l’Allier, un cadre clair a été fixé et chaque suppression de boîte doit s’accompagner d’une présentation au maire de statistiques datant de plus de six mois. Selon l’AMF, la concertation semble être davantage devenue la règle dans les territoires.
Cependant ces « maladresses » de La Poste n’ont pas envoyé de bons signaux aux élus locaux. Selon Xavier Cadoret, les élus ont averti dans le cadre de l’ONPP, et alors que les municipales arrivent, que La Poste devrait redoubler de vigilance pour ne pas « casser le travail que l’on mène avec les services de l’État pour faire évoluer la présence postale et pour recueillir les évolutions, les suggestions et innovations. » Certains élus sont d’ailleurs méfiants comme Yannick Bidaud, qui craint « un deuxième round de suppressions » . La position du gouvernement reste claire : « Si au niveau national, aucune norme n’encadre explicitement le maillage des boîtes aux lettres de rue, chaque retrait doit s’effectuer dans le respect des exigences afférentes au service universel postal. »
Le contrat de présence postale territoriale prolongé jusqu’en 2026
Concernant l’avenir, Xavier Cadoret confirme à Maire info que le contrat de présence postale territoriale, doté d’un financement public annuel de 174 millions d’euros, et qui devait s’achever fin 2025, sera prolongé jusqu’à fin 2026, en raison de l’absence de présidence du groupe à l’été. Soulignons au passage que le président de la République a récemment proposé la nomination de Marie-Ange Debon pour diriger le groupe.
Pour rappel, depuis sa création en 2008, ce contrat tripartite fixe le cadre de contribution de La Poste pour « contribuer à la mission d’aménagement et au développement du territoire », adapter son réseau composé de 17 000 points de contact « pour répondre aux besoins des populations desservies » , et pour « associer les commissions départementales de présence postale territoriale (CDPPT) aux orientations et aux travaux de l’Observatoire national de la présence postale ».
Au-delà de cette problématique des boîtes aux lettres, d’autres enjeux liés à ce contrat « remettent en cause parfois l’aménagement du territoire » , explique Xavier Cadoret. Il s’inquiète notamment pour la présence des points de contact de La Poste dans les petites communes. Il souligne enfin que si La Poste doit faire des économies cela ne « doit pas se faire sur le dos des maires ».
SOURCE : MAIREinfo – Édition du vendredi 3 octobre 2025




