Il y a une quinzaine de jours, le Premier ministre a présenté la « cartographie des zones prioritaires » ou « zones rouges », c’est-à-dire les territoires jugés particulièrement sous-dotés et qui vont bénéficier de la « solidarité territoriale » : des médecins, au volontariat, sont appelés à venir exercer dans ces zones deux jours par mois. La définition de ces 151 « zones rouges » a été établie, indique le gouvernement, par les Agences régionales de santé et les préfets « en concertation avec les élus locaux ».
151 zones rouges
Si seule la carte est restée disponible dans un premier temps, des données plus précises sont maintenant disponibles, avec la liste précise des EPCI concernés. La carte interactive ci-dessous, réalisée par Maire info, permet de visualiser chaque EPCI, sa population et sa densité.
À cette carte métropolitaine, il faut ajouter un EPCI de La Réunion (CC du Sud), deux en Guyane (CC de l’est et de l’ouest guyanais), quatre à Mayotte (Centre-ouest, Grand nord, Dembeni-Mamoudzou et Petite-Terre), et enfin un en Guadeloupe (CA de Nord Basse-Terre).
Comme l’a annoncé le gouvernement, ce dispositif concerne bien 2,5 millions d’habitants (2 539 784 pour être précis). Les EPCI concernés ont des populations très variées, allant de moins de 4 000 habitants (Communauté de communes du Causse de Labastide Murat) à presque 100 000 habitants (Communauté de communes de l’Ouest guyanais). Idem en termes de densité : les chiffres vont de 0,3 habitant/km² (Communauté de communes de l’Est guyanais) à plus de 3 000 habitants/km² (Petite terre à Mayotte).
Mais globalement, il s’agit dans l’écrasante majorité des cas de territoires ruraux – puisque la densité moyenne, dans ces 151 EPCI, est de 67 habitants/km². Les EPCI concernés, on le voit, sont concentrés dans le centre du pays, en général loin des littoraux et des grandes agglomérations. Certaines zones du pays en sont presque totalement privées – Hauts-de-France, littoral atlantique, région lyonnaise… On note également que les zones de montagne, en particulier les Pyrénées et les Alpes, pourtant très concernées par la difficulté à accéder à des médecins, ne sont pas concernées.
Il est également notable qu’aucune des zones rouges sélectionnées par le gouvernement ne se trouve en zone urbaine – ce qui signifie que les QPV (quartiers prioritaires de la politique de la ville) sont totalement exclus du dispositif, alors qu’ils sont, autant que les zones rurales, frappés par la désertification médicale.
Du volontariat à l’obligation
Mais le gouvernement a été clair : ce dispositif n’est qu’une première étape, « dans l’attente de dispositions législatives actuellement examinées par le gouvernement ». Pour l’instant, cette « solidarité » est strictement volontaire, mais elle n’a pas vocation à le rester, puisque que le gouvernement a introduit dans la proposition de loi Mouiller, actuellement en cours d’examen, un amendement rendant la solidarité territoriale obligatoire : en clair, les médecins exerçant dans les zones bien dotées devront à terme, si la proposition loi va au bout de son parcours, aller exercer deux jours par mois dans une « zone rouge », avec une gratification financière à la clé. En revanche, ceux qui refuseraient de jouer le jeu pourraient être pénalisés – le gouvernement envisage une astreinte de 1 000 euros par jour.
Rappelons que cette proposition de loi prévoit également un encadrement de l’installation des médecins : celle des généralistes dans une zone sur-dense serait subordonnée à leur exercice à temps partiel en zone sous-dotée ; et celle des spécialistes dans une zone bien dotée sera conditionnée au départ d’un médecin dans la même spécialité et la même zone – avec toutefois un système de dérogations.
Docteurs juniors
Autre système qui va être mis en œuvre, dans un peu plus d’un an : le dispositif « docteurs juniors ».
C’est en novembre 2026 que seront déployés, comme l’exige une loi votée en 2022, ces étudiants en médecine de 4e année d’internat qui devront aller exercer pendant un an dans un cabinet de ville, sur tout le territoire. La priorité devra être donnée, là encore, aux zones les moins bien dotées.
Si cette mesure a été saluée par l’AMF, il reste un certain nombre de difficultés opérationnelles à traiter, en particulier sur les conditions d’accueils de ces jeunes médecins stagiaires. Le gouvernement a d’ailleurs demandé à l’AMF (et à Départements de France) de lui faire des propositions en la matière. L’association, en coopération avec la Fédération hospitalière de France, a élaboré une « charte d’accueil des étudiants en santé dans les territoires ». Reste que si de nombreuses communes sont très volontaires pour accueillir ces jeunes médecins, toutes n’ont pas les mêmes moyens financiers pour mettre à leur disposition les moyens d’exercer.
L’AMF signale d’ailleurs que de nombreuses associations départementales de maires font déjà remonter les difficultés que rencontrent certaines communes pour accueillir les docteurs juniors. Et même pour celles qui ont les moyens de le faire, il n’apparaît pas satisfaisant que ce soit la commune qui engage des dépenses en la matière puisque, rappelons-le, les communes n’ont pas la compétence santé. Lors de sa réunion du 17 juin, le Bureau de l’AMF a rappelé à ce sujet que la répartition des docteurs juniors « ne doit pas être uniquement conditionnée à la capacité des collectivités à dégager des moyens pour accueillir les étudiants », et a demandé à l’État de débloquer des moyens pour accompagner les communes qui en ont besoin. L’AMF a rappelé que les maires souhaitent « que la santé reste une compétence d’Etat qui doit garantir une offre de soins de proximité, de qualité à un coût supportable pour les administrés. Aucun coût obligatoire ne doit rester à la charge des maires, notamment sur le financement de cabinets secondaires. »
Proposition de loi Garot
Pour compléter ce tour d’horizon, rappelons enfin qu’une autre proposition de loi est en cours d’examen : il s’agit du texte porté par le député socialiste Guillaume Garot et co-signé par 251 députés de presque tous les bancs. Ce texte vise à instaurer une autorisation d’installation des médecins, délivrée par les ARS. L’autorisation serait délivrée de droit dans les zones sous-dotées. Dans les zones correctement dotées, elle ne serait accordée qu’en cas de cessation d’activité d’un autre médecin.
Ce texte, adopté par l’Assemblée nationale, doit être examiné par le Sénat. Le gouvernement y est opposé, tout comme les syndicats de médecin, très attachés à la liberté d’installation, et qui en font un casus belli. Quant au Bureau de l’AMF, il a pris une position claire sur ce sujet récemment, en s’opposant aux mesures coercitives mais en soutenant un certains nombre de propositions telles que les mesures de régulation des médecins généralistes et spécialistes visant à favoriser une meilleure couverture du territoire en matière d’offre de soins, notamment dans les zones sous-dotées.
Lire la note du bureau de l’AMF sur la désertification médicale.
SOURCE : MAIREinfo – Édition du vendredi 11 juillet 2025